Valse d'automne

Comme il est beau, notre jardin transfiguré par l'automne !

Ce matin, dans l'embrasure d'une lucarne, une œuvre née dans la nuit, travail d'une artiste que je n'avais pas invitée, une pure merveille dont la photo ne donne qu'une image imparfaite, en réalité des mètres de fils scintillants tissés selon une géométrie pointilleuse !

Et voici l'artiste : ma voyageuse de nuit se repose, je ne la dérangerai pas.
Chez nous la plupart des bêtes ont droit de cité...

 Ces potirons ont poussé tout seuls sur le compost, sans arrosage, sans soins, à peine visibles en août sous leurs feuilles démesurées, et vous font la surprise de livrer en automne leurs bonnes bouilles rubicondes, sans défauts, alors que vous les aviez oubliés tout l'été...

 

Tellement décoratifs d'abord, tellement bons ensuite en soupe, en purée, en dessert ! Le potiron, le plus généreux des fruits du jardin ! Mais oublions la gourmandise, revenons à la poésie...
   



La poésie d'une feuille brodée elle aussi par un visiteur nocturne...

La poésie du bignonia qui, après avoir versé des larmes de corail, se revêt d'or, peu soucieux de malmener les gouttières de la grange...  

La poésie d'un énorme potiron qui se pare de pointillisme vert et jaune au fond du jardin et  pratique l'art du camouflage sous les herbes folles...            
La poésie mélancolique des peupliers de la Dronne (ou de ce qu'il en reste) qui envoient des messages vers le ciel qui s'ennuage, des messages pour leurs congénères abattus au printemps, alors qu'ils abritaient tant d'écureuils et tant de nids, les hommes sont sans pitié... Savez-vous ce qu'un seul peuplier pompe avec ses racines ? La Dronne est tout près, elle déborde parfois...

 
 
 
 
La poésie des vaillantes petites pensées, si modestes et si courageuses, qui fleurissent sans trêve par tous les temps, qui ne se lassent jamais, qu'on retrouve partout, plants fragiles et insignifiants que l'on arrache parfois, les prenant pour des indésirables... mais qui refleuriront plus loin, elles ne sont pas rancunières, elles aiment tellement la vie ! Pensées, mes fleurs fétiches...
 
 
 
 
 
La poésie des anémones du Japon qui ont résisté héroïquement aux mauvais traitements que nous leur avons infligés en juillet,  les arrachant par touffes tel un vulgaire chiendent  pour tracer la voie des futures canalisations...

La pelleteuse du maçon ayant quelque peu malmené ce qui en restait, nous les avons crues perdues, elles reviennent en force... et en beauté.  Le courage des fleurs, l'obstination aussi !...



La poésie d'un pied de fenouil géant qui nous offre ses graines, desséché, bruni, amaigri mais toujours odorant, surtout quand la lumière baisse ; ses grandes hampes se détachent sur le ciel limpide d'octobre.alors que cet été ses fines frondaisons de bronze devaient se contenter de ciels brouillés ; tout va de travers, le fenouil s'en moque, il impose ses ombelles fécondes sur un massif tout aplati par les trombes d'eau de début septembre...

La poésie des altheas blancs qui n'en  peuvent plus de fleurir depuis juillet, de la dernière rose, pauvresse maladive, des premiers boutons des camélias,  promesse de floraison hivernale si le gel ne s'en mêle pas...


Plus pragmatiques, les aromates sagement alignés  sur et sous un étal improvisé non loin de la cuisine et que j'espère garder tout l'hiver en les protégeant du froid... mais rien n'est gagné, les hivers sont imprévisibles ici...

Les estragons et le basilic ne résisteront pas aux premières gelées, les sauges, les ciboules, les thyms, la marjolaine, l'ail des ours semblent moins vulnérables, la citronnelle grandit encore, la coriandre monte en graines.


Quant à la plante curry, l'helichrysum pour les initiés,  elle est ma petite dernière et je ne connais pas encore ses préférences.

Que regardent-elles, mes six belles ? Les premiers vols de migrateurs ? Un faucon crécerelle qui guetterait le poussin noir ? Un avion ? Non, voyez plutôt... Juste au-dessus du jardin, un spectateur inattendu... Je ne triche pas, c'était bien un ciel d'automne ! 

 

Et quand la nature s'éteint au crépuscule, quand l'air fraîchit  et que la chaleur du poêle nous accueille, il nous reste les livres...

En ce moment je termine "Printemps silencieux" de Rachel Carson, dont l'ouvrage publié en 1962, alors que les pesticides chimiques dont le fameux DDT étaient généreusement répandus sur tous les continents sans que personne s'en émeuve, a amené vers la première prise de conscience écologique... mais n'a pas stoppé pour autant l'empoisonnement des terres, de  l'air et de l'eau, hélas !... Les "nuisibles" que l'on cherchait à éradiquer se sont adaptés aux poisons, les insectes aussi ont leurs variants, en revanche la planète a été abîmée, le climat déréglé. Les hommes en pâtissent sous toutes les latitudes et pourtant continuent étourdiment à célébrer le progrès, à espérer la croissance, à détourner les yeux d'une planète qui n'en peut plus...

Les hommes, ces prédateurs dont certains sont bien pires que les renards et les loups... Cela me ramène vers La Fontaine, encore et toujours, jamais démodé, jamais oublié de ceux qui ont su garder un regard d'enfant, La Fontaine dont on a trop discrètement fêté cette année le 400° anniversaire (de la naissance), La Fontaine, "Une ample comédie à cent actes divers / Et dont la scène est l'univers", La Fontaine qui m'a inspiré quelques animaux fantaisistes en laine feutrée à l'aiguille que j'ai mis en scène dans des caisses à vins qui s'exposent pour la saison à la bibliothèque de Limeyrat...

J'aime l'affiche qui a été réalisée pour l'occasion, merci à ses concepteurs...

Et pour terminer la poésie d'une d'une petite poétesse villeneuvoise de treize ans, Sabine Sicaud, dont le talent fut célébré par ses paires ; cette adolescente douée mourut deux ans plus tard... Elle avait à peine quinze ans et tant de belles choses à dire encore ! Le promenoir poétique de Limeyrat lui rend hommage...

 

Comment ne pas aimer l'automne, la saison la plus généreuse et la moins décevante ? Cette année ici il est plutôt agréable. Mais quand il pleut, on se dit que c'est un temps de saison, quand il fait gris on rallume les lampes, quand il fait froid on se pelotonne pour lire près du poêle comme le vieux chat, on n'est jamais déçu ...

Une saison de poète ou de philosophe ? Les deux sans doute...

A bientôt !


4 commentaires:

  1. Merci Monique pour cette poésie de la nature et pour ces nouvelles littéraires.
    Après cet été calamiteux (sauf les deux jours passés chez vous)je vous souhaite un bel automne dans cette chère Dordogne. Amitié Valérie

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    1. Merci Valérie (et merci le C.D.I. du lycée Voltaire) pour votre commentaire, je ne regrette qu'une chose, c'est que vous ne soyez pas passés en remontant, ce sera pour une autre fois ! Bonne reprise (masquée ?), bises aux quatre... comment dit-on au fait, voici une sérieuse lacune de ma part... je vais vérifier, je reviens ... donc bises à mes quatre fertésiens préférés.

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  2. Ton amour pour la nature transparaît dans chacune de tes phrases et l'on ne peut être que conquis par cette poésie d'automne que tu nous offres. Je suis admirative devant tes animaux en laine feutrée, voici un art que je suis pas arrivée à maitriser, du tout. J'ai tenté de réaliser un tout petit nounours, sans succès. Ton renard est magnifique, et cette exposition doit être de toute beauté ! Tu nous en montreras d'autres photos ? Bises Marie *

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    1. Coucou Marie, merci d'avoir apprécié mon petit billet de saison (et d'humeur, je n'ai pas digéré l'abattage de ces beaux arbres du chemin), merci pour ton courrier, je t'enverrai quelques photos d' autres fables que j'ai illustrées, j'ai appris à feutrer à l'aiguille chez la créatrice Odile Bailloeul en Vendée, j'ai cassé pas mal d'aiguilles au début... A bientôt, bises !

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