jeudi 23 décembre 2021

Noël solaire à la Grange aux Oies

- Noël solaire, vous plaisantez ? Epoque en pleine déconfiture, virus à facettes devant lequel le monde tremble, vague de morosité qui fait plier les uns et enrager les autres, clivages qui vont perturber cette fin d'année que l'on aurait souhaitée plus festive, ritournelles médicales qui ternissent l'atmosphère de Noël, le cœur n'y est guère... et vous osez parler d'un Noël solaire... avez-vous perdu la tête, Minne ? Et d'abord il est où, le soleil ?

 
- Le soleil, ce bel indifférent, brille comme jamais chez nous cet hiver, décembre est glacial la nuit et lumineux dans la journée, les matins sont parés de givre, tout ça est excellent pour la truffe... La lune à six heures offrait un spectacle hallucinant, comme une boule de feu qui brûlait à un endroit où je ne l'avais jamais vue, elle était tellement énorme et boursouflée (je suis myope) que j'ai pensé un moment au film Melancholia de Von Trier... inquiétude soudaine, les dernières images du film me reviennent, glaçantes... puis plus rien, elle avait disparu, comme avalée par la brume de la rivière... Demain je me lève aux aurores, je veux revoir ce spectacle (je l'ai fait, la lune était redevenue pâlotte et rassurante).
 

- Il vous en faut peu pour vous réjouir, Minne.

- A quoi bon être autrement, ça changerait quoi ? Je sais bien que c'était mieux avant, que les Noëls d'antan n'avaient pas ce goût d'apocalypse, mais il ne faut pas le dire, ce n'est pas sympa pour les plus jeunes, et pourtant nous leur avons bien savonné la planche... Tant de beaux discours pour en arriver là !

Mais il faut faire comme si... alors on fête Noël... un Noël bridé par toutes ces contraintes que nous  respectons cependant, puisque nous en refusons d'autres, puisque nous comprenons qu'on puisse se méfier de ce qu'on veut nous faire accepter de force. Alors ne disons plus rien, voilons-vous la face, ça permet de parler la bouche pleine, lavons-vous les mains de toutes les inepties que nous entendrons, car ce n'est pas fini... Et réfugions-nous dans notre havre le plus chaleureux, la grange, avec nos animaux, nos livres et nos rêves... 

Parons-la de féerie, invitons quelques personnages de contes, quelques vers choisis et quelques chants traditionnels, puis recevons en comité restreint qui bon nous semble, si possible des hôtes avec qui nous pourrons bavarder et trinquer en toute sérénité, fêtons Noël enfin, presque comme avant... mais peut-être un peu plus gravement qu'avant...

Laissons à d'autres le sentiment qu'ils vont retrouver à certaines conditions une vie "normale", comme ce voyageur impénitent qui disait l'autre jour à un journaliste qu'il allait passer 3 jours à New-York puisque c'était de nouveau permis (pour bien peu de temps...) C'est donc ça, une vie normale ? Il y en a qui n'ont vraiment rien compris... mais ça les regarde, alors qu'on nous fiche la paix !

Allons-y, la Grange aux Oies nous attend..

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