Instants gourmands


Non, la gourmandise n'est pas un péché, c'est un bonheur de palais qui n'est pas accessible à tous, il y faut des prédispositions.
Certains pensent que le plaisir de la table est proportionnel au prestige d'un chef ou au montant d'une addition. Ce n'est pas mon avis... Vous ne me faites plus rêver, étoiles et étoilés... Mes papilles ont des goûts plus modestes mais
non moins intenses. En voici quelques-uns...




C'est une pizza  (faite maison évidemment, y compris la pâte) qu'on fait cuire dans un antique four patrimonial qui a repris du service grâce à ma sœur et que notre ami Vincent remet en chauffe.




C'est une dégustation d'huîtres un matin d'été à La Chaume  en contemplant la mer : elles sont infiniment plus iodées et savoureuses que les mêmes servies dans le confort de la salle à manger – peut-on parler d'effet placebo ici ?






C'est un pique-nique de fin d'été improvisé près d'une abbaye en ruines, un site remarquable du Périgord Limousin qui restera ouvert à tous vents jusqu'à ce qu'une pierre descellée choie dans la salade de riz ou sur le crâne de l'un des dîneurs.






C'est une cassolette aux champignons sauvages en Sologne près d'un feu de bois crépitant dans une vaste cheminée, en septembre, après une balade-cueillette dans la forêt toute proche et en prime, au crépuscule, le brame lugubre d'un cerf.







C'est le premier apéro de l'année pris à l'extérieur, un jour d'avril, quand on décide soudain de déjeuner dehors parce que le vent vient de tomber : chacun va chercher son couvert dans la salle à manger, on désorganise la jolie table apprêtée et on s'installe comme on peut, sur un guéridon de jardin qui boîte. On envoie un petit coup de fil, l'air de rien : "Ici on mange en terrasse, pas vous ?"



C'est un spritz (encore...) préparé au bord de la mer à Sauveterre sous l'œil vigilant de Jackie. On n'a rien oublié, on a même apporté les glaçons et les olives. On est si bien qu'on regrette de n'avoir pas prévu d'y déjeuner. Tant pis, l'osso bucco attendra, c'est un plat qui se réchauffe.

C'est un café ou un thé qui se prolonge, en hiver au coin du feu cette fois, après une promenade ventée dans les monts du Minervois, avec de bons amis, le Scrabble ou le Trivial. Entre deux parties on s'aperçoit qu'on a faim, on va s'attabler devant un énorme plat de tagliatelles aux coquillages, on bavarde, on oublie l'heure... on voulait rejouer, il est déjà trop tard.







C'est une planche de charcuteries et de fromages savourés à deux en contemplant les eaux d'argent de Trasimène en Ombrie. La petite terrasse de bois est tournée vers le lac ; quelques pêcheurs, quelques mouettes, quelques promeneurs tranquilles, le clapotis des flots...



C'est un plat de succulents tortellinis aux herbes, faits maison et attendus plus d'une heure sur la terrasse d'une guinguette donnant sur le lac de Garde ; il y a pire comme cadre, on peut patienter.




Ici je n'ai pas de photo... seules mes papilles se souviennent... C'est une goûteuse cassolette de coquillages cuisinés un soir de Noël rien que pour moi qui suis allergique aux crustacés. J'ai apprécié la sollicitude de mes hôtes, qui ont su me faire oublier ma frustration... merci encore Seb et David.




Souvent je suis aux fourneaux, j'adore ça, et je cuisine depuis bien longtemps, je cuisine n'importe où, emportant où que j'aille ma boîte d'épices, je cuisine de plus en plus simplement mais toujours avec de bons produits, achetés directement à la ferme ou sur les marchés. Ici, à l'ombre de sa cathédrale romano-byzantine, celui du samedi matin à Périgueux.




Quelques plats tout simples parmi les centaines que j'ai  concoctés :



Des poivrons, tout bonnement pelés à chaud et mis à  mariner dans l'huile d'olive (celle de Castellina quand nous rentrons d'Italie), qu'on peut agrémenter d'ail ou de basilic mais ce n'est pas indispensable, le poivron étant toujours très goûteux. C'est une entrée ensoleillée pour l'été, surtout si on les présente en étoile.



 
 



Des fruits de mer crus

Sur le littoral, près d'un port de pêche, on peut se permettre les tartares et les carpaccios de poisson ou de Saint Jacques, surtout ceux dont la fraîcheur est garantie par mon indispensable Florence, sur notre marché favori des Sables.

Tartare de bar de ligne aux pommes Granny Smith sur lit de jeunes pousses.






Carpaccio de noix de saint-jacques aux agrumes.






Salade de la mer à l'avocat, huile de noisettes...et toujours quelques grains de poivre rose, mes incontournables.






Poisson au sel




Puisque nous habitons près des salines de l'Ile d'Olonne, je trouve qu'ici la meilleure façon de cuisiner le bar ou la dorade est de ne pas les cuisiner justement (quelques échalotes et quelques branches de fenouil dans le ventre leur suffisent)...







... mais d'enfermer le poisson non écaillé dans une gangue de sel où il cuira tout seul sans surveillance en gardant tous ses sucs. Si vous n'êtes pas au régime servez-le avec un beurre blanc, sinon arrosez-le de quelques gouttes de jus de citron (lorsque vous aurez ôté sa peau bien sûr). Ce gros poisson rouge est une dorade sébaste.


Chers oeufs

Une banale omelette certes, mais avec les œufs de mes blanches Faverolles (ils sont si petits que j'en mets deux fois plus) battus en quelques coups de fouet pas plus quand la poêle grésille déjà, j'aime que l'omelette soit souple et moelleuse, si elle est trop ferme je préfère la manger froide. Pour la garniture le choix est vaste, mais ma préférée est la plus rustique, l'omelette aux pommes de terre (avec une pointe d'ail).


C'est depuis fort longtemps mon grand classique de Noël : les œufs brouillés à la truffe noire, délicieux si l'on a pris la peine de les enfermer (non cassés) avec la truffe dans une boîte hermétique (au moins la veille) et bien sûr si la truffe est très parfumée. J'ai voulu faire ce plat en différé un jour à Paris, ça n'avait plus rien à voir.

Truffes sous vide, congelées, conservées,  croupissant dans l'huile ou parfumant le sel, le miel ou je ne sais quoi d'autre, passez votre chemin, je ne vous veux qu'en saison, juste sorties de terre.

Le risotto peut s'accommoder de bien des ingrédients ; sans aller jusqu'à l'allier somptueusement à la truffe blanche d'Italie, un sommet du goût qui mérite peut-être une initiation, il se marie plus simplement aux herbes du jardin et même au rustique poireau.  Il doit être crémeux et al dente à la fois, ce qui n'est pas toujours facile à réaliser. J'y arrive parfois... n'est-ce pas, Angèle-du-bout-du-monde ? Le voici, saupoudré de parmesan, précédé d'une soupe froide aux poivrons jaunes. Deviendrions-nous végétariens ? Pas tout à fait, il y a encore du chemin à parcourir...







Un toast de lard de Colonnata : le pain de campagne juste grillé, la fine tranche de lard posée dessus et qui fond un peu, devenant translucide sur les bords, rien d'autre qu'un petit verre de chianti... (à consommer avec modération). Souvenir d'un petit déjeuner à Colonnata, près de Carrare, entre les blanches montagnes de marbre : dans le seul bistrot ouvert du village ni beurre ni miel ni croissants, encore moins des oeufs ou du fromage... on nous proposa un café noir et... des tartines au lard : ce fut un petit déjeuner mémorable !


 

Petites douceurs
 
Je ne m'en souviens plus, c'est si loin... ai-je confectionné ce vacherin vanille à Eymet en Dordogne, à Lille dans le Nord, à Jouy-le-Potier dans le Centre, dans l'ouest au Mans, près de Nantes ou en Vendée, ou encore à Antibes ? Quand on a déménagé  plus de dix fois on s'y perd...
En tous cas il est bien sympathique avec sa violette en sucre, il faudra que je retrouve la recette... pour la réaliser en plein coeur du Périgord, au bord de la Dronne aux eaux claires... Retour au pays, la boucle est bouclée.






Des fraises oui mais de saison, mais de terroir, et c'est peut-être avec une pointe de chauvinisme que je dirai que ce sont les garriguettes du Périgord que je préfère. En plein été j'en fais des coulis très peu sucrés pour les desserts d'automne, guère plus tard car ils se conservent moins que les confitures, que nous boudons car nous les trouvons souvent trop cuites et trop sucrées.








Le gâteau-lune est délicieux  avec un bon thé, devant la cheminée, quand il fait bien mauvais dehors et que le chat a replié frileusement ses pattes. J'avais décoré celui-ci de perles d'argent et de quelques baies roses, c'était  Noël, c'était dans la forêt de la Double.








Là je triche un peu, ce n'est pas moi qui ai confectionné ce merveilleux dessert : c'est un millefeuille aux fraises de la Locanda de Pietracupa  à San Donato in Poggio en Toscane, servi après un plat de lasagnes à la truffe. Il est des adresses que l'on retient sur le bout des papilles... Mais là je m'arrête,  on va croire que j'ai des goûts de luxe...






Et tant d'autres recettes, parfois bien plus compliquées, parfois décevantes, parfois inoubliables, mais toujours liées à tant d'autres lieux, à tant d'autres moments partagés... autour d'un bon repas, autour d'une bonne bouteille...


Certains voudraient jeter le vin aux orties, le diabolisant,  l'accusant de tous les maux, oubliant qu'il vaudrait mieux s'en prendre à tous les mauvais alcools plus ou moins trafiqués dont regorgent les supermarchés et dont les jeunes sont adeptes pour leurs soirées. Je ne veux pas entrer dans la polémique mais une simple constatation : quand je suis venue au monde j'avais deux grands-mères, quatre arrière-grands-mères, et même une trisaïeule. Tout le village célébra le centenaire de l'une, les autres terminèrent leur parcours alertes nonagénaires, une seule ne fêta pas ses quatre-vingt-dix ans. Toutes buvaient un petit verre de vin rouge à chaque repas. Et leurs maris ? pourrait-on m'objecter. Ils n'atteignirent pas ces âges canoniques de leurs veuves, non, mais ils avaient connu des guerres, et la plupart fumaient énormément...

A votre santé !


"L'eau, c'est pour la soif. Le vin c'est, selon sa qualité et son terroir, un tonique nécessaire, un luxe, l'honneur des mets." (Colette, Prisons et Paradis)

4 commentaires:

  1. Pour nous avoir régalés, depuis toujours, tu mérites largement tes étoiles... de Mère !

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    1. Bravo et merci pour ton joli commentaire, mon fils...

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  2. C'est toujours un régal de déjeuner avec vous et je ne parle pas que des merveilleux plats que tu cuisines. Pour moi votre maison est la maison du bonheur: des bons petits plats, du bon vin, de la bonne musique, un joli jardin, le coin du feu l'hiver, l'art, la littérature et de très belles personnes surtout...

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    1. Merci Unknown pour cette appréciation qui nous touche beaucoup...et à bientôt pour un nouvel instant gourmand...

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