Un automne immobile


Octobre : après un été trop sec enfin les pluies, chiches d'abord, mouillant à peine les fossés assoiffés, puis plus drues et pénétrant dans les sous-bois les plus épais, réveillant les insectes et les limaces... et enfin les champignons, les cèpes tant attendus...
Première quête : déjà pas bredouilles malgré notre méconnaissance des endroits favorables, une omelette en perspective, un régal le soir, puis une poëlée le lendemain...


Les bois des alentours étant prometteurs et si beaux en automne, il fallait absolument remettre ça, la cueillette est une activité addictive, la gourmandise un aiguillon, le besoin de prendre l'air une excuse... Nous sommes donc repartis vers l'aventure champignonnesque, sans nous douter que j'allais vers un changement de cap pour octobre et sûrement pour un peu de novembre...
Que dis-je, des bois ? Non, ce sont des forêts, des forêts assez vastes pour qu'on  s'y perde, nous nous sommes perdus... L'un voulait aller à droite, l'autre à gauche, tous deux lestés de notre précieuse cueillette du matin... Nala nous attendait dans la voiture, garée dans un chemin forestier, mais où ? Ici, disait l'un, non par là, objectait l'autre... Tout à l'inquiétude de ne pas retrouver notre chienne (et si on nous l'avait volée ? J'imaginai la vitre fracturée, Nala disparue) je marchais, marchais sans précaution dans un enchevêtrement de branches de lierre où se cachaient de jolies têtes rousses, parfois noires, que je volais aux limaces...
Soudain un pied qui n'avance plus, prisonnier du lierre, l'autre qui veut rétablir l'équilibre et ne fait que bloquer le premier, le corps qui part en vrille, un genou qui n'apprécie pas, qui va gonfler comme une pastèque... et me voici immobilisée pour trois semaines ("au moins", a dit l'optimiste praticien) au coin de mon feu...
Bon, ça pourrait être pire, comme dit toujours mon amie Renée... Je voulais vous concocter un petit billet sympa sur... non, pas sur l'automne, vous ne voudriez pas que je me répète, quoique l'automne ici soit superbe, pas besoin d'aller bien loin, l'asiminier ensoleille le jardin même sous la pluie,


le lagerstroemia se pare de pourpre et de perles d'argent,


le plumbago blanc se décide enfin à fleurir, les crocus poussent leurs têtes jaunes partout dans l'herbe redevenue verte, la dernière rose se hausse  sur sa tige avant d'être déflorée par le vent.





















Non, inutile de malmener mes ligaments douloureux pour aller admirer ailleurs les charmes de l'automne, je me contenterai de la perspective sur le jardin...
Mais la sédentarité impose ses activités, sinon c'est la déprime assurée : c'est le moment de s'attaquer au roman le plus volumineux de sa bibliothèque, de faire les mots croisés de son magazine favori, d'écrire des choses que personne ne lira, d'écrire pour son blog, d'écrire à Laurence... de réfléchir à ce qu'on fera quand on pourra retrotter, de faire des listes, de composer des menus, de... mais ce n'est surtout pas le moment de se laisser aller à la morosité...


Autre idée : puisque je dispose de mes quatre modèles vivants (remarquez comme elles ont un galbe parfait, les pattes propres et de jolis yeux bleus !),

 



















pourquoi ne pas faire des oies pour la grange, qu'on appelle déjà "La Grange aux Oies", la grange qui prend forme... Je vais donc faire des oies et encore des oies, des oies en tout : en tissu, en papier, en carton, en laine, en pâte sablée, etc.




Je chine des oies (ou plutôt j'ai chiné, relâche de chine en ce moment évidemment), je découpe des oies, je savoure des oies (en biscuits), je contemple des oies, je m'inquiète pour mes oies qui s'obstinent à vouloir passer leurs nuits sous les étoiles, boudant leur  jolie cabane, je ne me moque plus de l'amateur d'oiseaux de La Bruyère... Cet automne encore plus casanier que mon été sera l'automne des oies, mon automne d'oi(e)siveté.

 


En attendant les préparatifs de décembre, si le genou veut bien, dans une grange terminée, je commence à y inviter quelques oiseaux étranges, qui animent la petite lucarne. 


Le carrelage enfin posé, il faut attendre qu'il sèche, attendre trois semaines encore, comme ce serait long si j'étais valide ! Finalement c'était le bon moment pour avoir un problème de locomotion, je patiente mieux...


Nos artisans ont bien travaillé, il ne manque plus que le poêle...
Cependant la grange inachevée a déjà accueilli quelques hôtes pour l'apéro et sait se montrer très conviviale (c'était début octobre, donc bien avant mon accident de cèpes et la pose du carrelage)...


Ce n'est qu'un avant-goût, à bientôt en décembre, trop d'aménagements à  finaliser pour avoir le temps de faire un billet en novembre !

9 commentaires:

  1. Aïe,aîe,aïe...!!!
    Pauvre « Minne immobile »,2 images tellement contradictoires...
    2 consolations :pour toi,les oies
    pour moi,de longues lettres
    J’ai bcp à te dire aussi...dans une dizaine de jours (maison pleine).
    Encore bravo photos.
    Texte très vivant, un régal.
    Je t’embrasse.Laurence.

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    1. Eh bien oui, il fallait ça pour me faire tenir tranquille... Merci à toi qui me connais si bien, qui sais qu'il faut me plaindre un peu. Mais cet aléa fait que notre correspondance n'en sera que plus fournie quoique... j'ai du temps certes. mais que vais-je pouvoir te raconter alors que je suis scotchée à mon âtre,que mon prince bosse et que ma soeur se régale à Venise... Ah si, j'ai une marraine à qui je téléphone souvent...mais elle n'est pas fée et ne peut rien pour mon genou...Bises. J'ai adoré tes photos !

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  2. Quel enchantement ce billet ! Je me suis délectée de tes mots servis par une plume alerte et malicieuse et l'espace d'un instant je me suis vue en pleine hésitation dans cette forêt, mon panier garni de champignons au bras à ne savoir où diriger mes pas et à m'inquiéter pour Nala. La suite est moins drôle j'en conviens,et pour avoir moi aussi goûté aux joies de la sédentarité suite à un problème de genou (problème de rotule, épanchement de synovie, genou enflé, opération .. ) je sais qu'il va te falloir prendre ton mal en patience avant de retourner gambader dans les sous-bois. Et pourquoi ne pas broder quelques oies pour la grange ? Courage et bises de Marie *

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    1. Ton commentaire me réjouit et me console de ma grande inertie du moment, puisque je peux encore donner par les mots l'illusion du mouvement et t'envoyer te promener dans mes forêts et cueillir des cèpes, tu connais aussi Nala maintenant ! Tu pousses même la sympathie jusqu'à avoir eu un problème de genou similaire ! Quant au conseil de broder des oies, c'est une bonne idée, après les avoir peintes, découpées dans du tissu, réalisées en papier...c'est une autre option. Bises de Minne et un grand merci pour ton soutien.

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  3. bonsoir, c'est bien sûr rageant d'être obligée de rester tranquille, mais quand on a pas le choix... ce qui est bien c'est de trouver de nouvelles occupations, de rêver, de réfléchir à l'aménagement de la grange, de profiter pour lire ou bien juste se reposer, et repartir reboostée. bon rétablissement.

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    1. Bonjour Marie,
      Merci de compatir à mon immobilité forcée, la sédentarité absolue n'est pas dans ma nature, l'oisiveté encore moins, heureusement que j'aime lire et pratiquer quelques activités pépères (je n'ose pas féminiser...)comme la broderie ou la couture.J'espère te retrouver sur mon prochain article en décembre. Amicalement, Minne

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  4. Pasdeloup Valérie14 novembre 2019 à 22:43

    Bonjour Monique,
    Encore un beau texte, celui que tu nous offres malgré la convalescence, ton écriture reste vive et joyeuse, nous aimerions bien être auprès de toi durant cet automne pour lire, te pousser la cane quand tu voudrais te lever, te servir du thé, t'aider à cuisiner d'autres oies en biscuits, aller nourrir les vraies oies à ta place ou encore promener Nala... Il est aussi plaisant de lire les témoignages de tes amies, preuve que tu es une femme admirable pour nous. Je t'embrasse et salue tes lectrices-amies. Valérie

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    1. Tes appréciations me touchent, cette parenthèse d'immobilité était nécessaire et reste créative malgré tout... Quant à la perte d'autonomie que tu évoques si bien, c'est Jean-François qui assume quand il est là, il joue parfaitement sa partition de fermier et de coursier, il s'est familiarisé avec la serpillère et le balai... Peut-être va-t-il y prendre goût ? Merci pour mes amies-lectrices, vous m'êtes toutes infiniment précieuses... Bises et bon week-end !

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  5. Même immobile tu arrives à nous faire voyager dans ton monde. Cela me rappelle de bons souvenirs de thés réconfortants entre amies, vue sur l'asiminier.
    A très bientôt.
    Je vous embrasse.
    Cécile

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