Hygge, un art de vivre venu du nord...

J'ai découvert le hygge un soir de janvier lors d'un reportage télévisé à la fin des infos : vous avez sans doute remarqué qu'après une avalanche de mauvaises nouvelles, notre lot quotidien, on nous sert un petit dessert revigorant sur ce qu'on ne peut pas s'offrir en ce moment - souvent même sur ce qu'on ne pourra jamais s'offrir mais il est bon de rêver...

Ce soir-là c'était un aperçu de l'art de vivre à la danoise, le hygge : il s'agissait de vanter le bonheur du chez soi vécu en toute simplicité. Je restai dubitative... car en fait de simplicité c'était plutôt discutable, il est facile de dire que les longues soirées d'hiver sont merveilleuses quand on cocoone dans un tel cadre : appartement haussmannien, parquets en point de Hongrie, meubles cossus, plaids en cashmere et j'en oublie, le reportage ne lésinait pas sur le haut-de-gamme.


Mais les images avaient fait leur chemin, comme toujours... c'était leur objectif, comme toujours.
 
 Je regardai autour de moi : dans notre grange pas de parquet ancien mais un carrelage rustique, des murs de pierre, des meubles patinés maison qui se bousculent un peu et attendent un nouvel aménagement, bref un havre sympa mais bien éloigné du superbe appartement pour magazine de luxe.



... Mais aussi un poêle performant, un vieux chat qui ronronne d'aise, des bougies et des coussins, des objets diy, des tableaux maison : c'est une bonne base...  A partir de là, nous allons faire du hygge à notre façon, un peu révisée, du hygge à la tocanaise, plus modeste mais peut-être aussi plus chaleureux, il suffit de s'y mettre.

 A mes marques !

D'abord il faut une journée bien maussade, c'est facile en ce moment. Créons des îlots de lumière : allumons le feu dans le poêle, et puis des bougies, plein de bougies, et enfin branchons la guirlande de la fenêtre (ce n'est plus Noël, et après ?)

Celle de l'extérieur est solaire et indépendante, elle vient dès le crépuscule mettre en valeur la scène de mon petit théâtre de papier : ici deux matous très grand siècle font un clin d'oeil  aux amoureux de la Saint Valentin.

Dans son coin l'amaryllis blanc n'a aucun parfum, mais qu'il est donc généreux ! Huit fleurs géantes pour un tout petit bulbe !

Voilà, nous y sommes,  il ne peut guère faire plus mauvais : le vent malmène les branches, la pluie cingle les vitres, la Dronne déborde, les poules se réfugient où elles peuvent : boudant leur poulailler elles viennent maculer la terrasse, trempées comme des soupes et devenues laides.

Mais ici, dedans... le poêle qui ronronne, des bougies partout, un canapé moelleux, le thé de dix-sept heures qui embaume ; et puis un petit air de piano, ou une symphonie de Mahler, et encore le chant modulé de la callopsitte mélomane (elle adore les airs d'opéra, elle accompagne).

Tout m'enchante ici, je n'attends pas le couvre-feu pour me réfugier dans cette grange, j'y passe beaucoup de temps, j'y deviens très casanière... au grand dam de Nala qui voudrait sortir davantage.

J'ai appris qu'il existait des gîtes hygge en Périgord, dans un village voisin (je suis un peu déçue, je me croyais originale), et je constate que pour que ce soit complet il faut investir dans un spa ou un jacuzzi, un sauna, une piscine chauffée, tout ce bazar sophistiqué que nous n'avons pas et que nous ne ferons pas installer, même dans le gîte qui se prépare... La sobriété heureuse, vous connaissez ?

 Ici notre piscine c'est la Dronne, nous n'en voulons pas d'autre, même si elle n'est pas chauffée, elle ne peut être plus naturelle. En ce moment elle est devenue un vaste lac et les oies sont ravies, ce sont bien les seules à souhaiter que la crue se prolonge....


J'allais oublier l'essentiel : un bon livre, un roman captivant qui raconte des choses bien laides, une histoire de famille comme je les aime, ou encore une réflexion sur le temps qui passe, des portraits de gens qu'on admire, une autobiographie, enfin de quoi oublier tout le vilain de l'aujourd'hui, nous sommes gâtés en ce moment, la lecture n'aura jamais été aussi précieuse. Vive nos librairies et nos bibliothèques !

 
Le plaid, les coussins, des écharpes tricotées à la main, le chat, le thé, les livres... tout est en place pour un chaleureux cliché d'hiver, de ceux qui pullulent dans les magazines et qui ne montrent que le bon côté des choses. 

Rajoutons-en un de plus, laissons de côté ce qui dérange, la bibliothèque qu'on n'a pas pris le temps de bien ranger, les graines décortiquées par ces sagouins d'oiseaux exotiques qui valsent sous les volières, les délicates fleurs de boue de Nala sur le carrelage, faisons croire que chez nous tout est toujours  fleuri, odorant, douillet et chaleureux... mais soyez rassurés, ce n'est qu'une  mise en scène, comme partout...
 

Après tout, à partir du moment où l'on cherche à plaire, tout n'est qu'illusion... tout passe, comme cette neige d'un matin tourangeau sur notre pare-brise, une petite escapade bien agréable entre deux couvre-feu..

Soir de février... Tout à l'heure le chat va sortir de sa léthargie diurne et miauler qu'il veut sa pâtée, Nala  réclame sa promenade, les poules leur grain quotidien. Il faut maintenant éplucher les légumes,  il est l'heure de penser au dîner. Les jours rallongent, les bourgeons pointent leur nez vernissé, le jardin a besoin d'un jardinier, les arbres devraient être taillés. Le printemps, c'est pour bientôt, le printemps et ses corvées indispensables.

Mais le hygge, c'est aussi le farniente, c'est donc un peu l'hibernation douce, c'est peut-être déjà fini ici avec les premiers soleils : les crépuscules sont plus tardifs, nous restons parfois dehors à contempler la lune qui monte dans le ciel derrière mon grand ami le chêne, celui qui m'accueille chaque jour pour me donner  un peu de sa force (oui j'y crois, pas vous ?). Les étoiles vont s'allumer une à une, les bougies sont moins nécessaires...

Mais attendons encore les giboulées, puis l'équinoxe... Alors, rassasiés d'hiver, nous laisserons refroidir le poêle et la cheminée, s'éteindre les bougies, nous remiserons au grenier les guirlandes lumineuses.

Mais au nord  de  l'Europe ce sera pour quelques semaines encore le temps des frimas et des longues nuits... C'est là-bas, dans ces pays de froid et de neige, que le hygge prend tout son sens... je concède qu'ici c'est une fantaisie un peu déplacée mais je me suis prise au jeu.

 A bientôt !

4 commentaires:

  1. Etre casanière à du bon en cette période, on souffre moins et des contraintes du moment.
    Merci pour ce billet.
    Bonne journée
    AA

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    1. Bonsoir AA, vous avez mille fois raison, ce côté "je suis très bien chez moi" ne m' a jamais été aussi précieux... vous me comprenez parfaitement... Deviendrions-nous un peu sauvages ? Tant pis (ou tant mieux...). Amicalement

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  2. Bonsoir, comme vous je me prends à réver devant ces décors sophistiqués, et puis chez moi bien sûr les meubles sont plus anciens, souvenirs de famille, (attachement sentimental, nostalgie d'enfance), mon poêle qui ronronne, mon panier à ouvrage au choix tricot, crochet, broderie près du canapé, un plaid, des coussins, des livres, je trouve que cela vaut bien tous ces décors de magasine, je dirai que c'est mon hygge bourguignon. Bonne soirée

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  3. Bonsoir Marie, les décors somptueux, c'est beau sur papier glacé, mais ce n'est pas très chaleureux, je l'ai souvent remarqué ; aussi vive nos intérieurs encombrés de mille choses qui nous parlent, que ce soit de notre passé ou de nos activités présentes ! (j'ai horreur de ces intérieurs bien rangés où chaque chose semble être à sa place ; chez moi il n'y a pas de risque, ça bouge tout le temps)

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