Pourquoi Tocane ?


Pour Jean ce fut le dixième déménagement, et c'était mon dix-septième...
Aussi commençons-nous à en avoir une certaine habitude et en général nous nous plaisons bien là  où nous avons choisi de vivre... temporairement. Peut-être est-ce tout simplement parce que, comme la tortue, nous transportons notre maison avec nous... une maison qui s'alourdit au fil des ans, il nous est très difficile de jeter : ces livres, ces disques, ces objets, ces meubles, tous ont une histoire, la nôtre.


Et, comme j'ai la passion de la chine, j'ai une fâcheuse tendance à l'accumulation, tant pis pour les regards désapprobateurs...
Ici une douzaine de ventouses dénichées dans un grenier ont trouvé un emploi plus décoratif...

 

 



 

Cet enième lieu, nous le voulions en Dordogne, retour au pays souhaité depuis un certain temps déjà. Premier impératif, ce serait une vieille maison, pourquoi pas avec de jolies fenêtres comme celle-ci, aperçue un jour d'automne dans la petite vallée du Vern. Mais si la maison semblait tenir les promesses des fenêtres, la route et le stade voisins nous ont fait fuir bien vite.

 

Sur les cartes touristiques, la Dordogne ressemble à une glace à quatre parfums : le vert rappelle qu'elle flirte au nord-ouest avec les prairies limousines, le pourpre révèle qu'elle se pare de vignes au sud, le blanc évoque les terres crayeuses du centre, le noir ne parle pas du diamant noir, erreur courante, mais de chênes sombres et de profondes vallées au sud-est ; c'est le plus prisé, celui sur lequel nous avions jeté notre dévolu au début, sans en voir les inconvénients. Pendant près de deux ans nous avons parcouru toutes les couleurs, inlassablement, nous avons exploré tant de lieux,  visité tant de maisons ! Alors pourquoi ici, à Tocane (Saint-Apre, mais je préfère Tocane tout court, sans son rugueux appendice)  sis entre Blanc et Vert, plutôt que là-bas, à Sarlat ou à Limeuil, à Montignac ou à  Domme, hauts lieux du Périgord Noir ou à Bergerac en Périgord Pourpre ? Brantôme, la perle du Périgord Vert, n'est qu'à une vingtaine de kilomètres, tout comme Périgueux notre gourmande  capitale. 

 

Nous avons écumé les agences et les sites de vente sur Internet, que de temps perdu, que de documentation accumulée ! Nous avions bien peur de faire un choix que nous regretterions... Nous attendions le coup de foudre...  Il n'a pas eu lieu et pourtant nous ne nous sommes pas trompés.


Ce n'est pas celle-ci et pourtant elle était en finale : une vue qui promettait des couchers de soleil somptueux, du volume, du cachet, peu rénovée (dans son jus, dit-on, je déteste cette expression)... Oui mais... perchée à flanc de colline, accessible par un étroit chemin pentu, loin de tout... et il aurait fallu des chèvres pour venir à bout des végétations intempestives. Or les chèvres ne sont pas compatibles avec mes chers rosiers.


Ce n'est pas non plus celle-là, même si l'entrée laisse deviner un cachet indiscutable mais elle n'était pas pour des distraits comme nous qui oublient souvent leur liste de courses sur la table : nichée en pleine forêt de la Double, à mille virages du premier commerce....


Celle-ci non plus, non loin d'Hautefort, pourtant si pittoresque avec ses multiples escaliers, à l'intérieur comme à l'extérieur... Il faut penser que nous n'avons plus vingt ans !


Celle-là encore, blottie dans un petit village, aurait bien fait notre affaire car elle avait une très jolie grange et un jardin qui donnait sur une campagne vallonnée. Ici c'est l'église, juste en face, qui a été superbement restaurée ; la maison, elle, nécessitait bien des travaux... et les commerces indispensables n'étaient pas tout près....

Coiffée d'ardoise, celle-là, plus bourgeoise avec son balcon ouvragé, était convaincante à l'intérieur comme à l'extérieur et située au coeur d'un village prisé, que demander de plus ? Mais quelques temps après notre visite, Nala est venue nous compliquer le choix : il fallait désormais un grand jardin, non ce  petit carré d'herbe...

Et des dizaines d'autres, entrevues ou visitées, dans lesquelles il était difficile de se projeter car il y avait toujours quelque chose qui clochait :  le jardin de cette bâtisse du XV° était vaste certes mais non attenant ; un élevage bovin d'importance jouxtant cette bergerie si mignonne, c'étaient des milliers de mouches qui auraient déferlé en été sur la terrasse ; une superbe longère avait un rez-de-chaussée magnifique mais quelle déception à l'étage : il fallait se baisser sous les poutres pour passer d'une pièce à l'autre ! Une maison à fière allure, un bel emplacement sur un causse trufficole mais des granges dont le toit s'écroulait et les poubelles de tout le hameau juste devant l'entrée..

Celle sur laquelle nous avons jeté notre dévolu, c'est une maison modeste du début du siècle dernier qui ressemble un peu, côté jardin, à une maison de garde-barrière,


(ce fut ma première impression donc pas de coup de foudre) mais qui, elle, avait tant d'autres atouts, comme ces personnes dont les qualités ne se perçoivent pas au premier coup d'oeil !
C'est aussi une grange carrée d'un beau volume,


peut-être moins vaste que d'autres, mais avec un joli portail qui sera vitré pour donner de la lumière aux kakarikis, il faut ce qu'il faut, et surtout aux artistes, car ce sera l'atelier-séjour, des murs épais en pierre, une très belle charpente...  et une date, au-dessus du portail : 1903.

Pas d'allée majestueuse, non, mais la propriété  est longée par un sentier de randonnée emprunté par des promeneurs à pied, à vélo ou à cheval...


et tant pis pour le crottin, c'est bon pour les fleurs.
Pas de vue imprenable sur un château ou une abbaye, mais l'oeil sait se satisfaire des paysages bucoliques que lui offrent les quatre points cardinaux, rien ne vient heurter le regard... et à l'ouest, limitant le grand jardin...  à l'ouest coule une rivière, notre piscine naturelle pour l'été...


Plus loin, sur le coteau de l'autre rive, une ferme et ses prés à vaches, photographiés ici par un matin de gel,

une ferme dans un hameau qui porte un joli nom prédestiné à sa meuglante compagnie, Corneguère...

Voilà notre havre, au nom serein et doux, pas comme Malpertuis ou Coupe-Gorge (authentique lieu-dit périgourdin que j'ai traversé un jour grâce aux subtilités du GPS)...

Pas de cèdres centenaires dans le parc mais une grande variété d'arbres fruitiers et d'arbres à fleurs que le printemps naissant enlumine,


un magnolia grandiflora qui fait de l'ombre même en hiver, un asiminier (mais si ça existe, originaire d'Amérique du nord paraît-il, pas d'Asie mineure ; il produit des asimines, on s'en serait douté) et des rosiers des rosiers et encore des rosiers, anciens bien sûr, ceux que je préfère (cerise sur le gâteau, ma plus proche voisine est rosiériste)... J'attends avec impatience les floraisons... J'en donnerai des nouvelles quand le temps des roses sera venu...
Et ce serait bien triste si le coin était déserté par les oiseaux, comme dans certains endroits où les insectes sont devenus des denrées rares, merci Monsanto : ici il semble qu'ils se soient donné rendez-vous  dans les grands arbres de la rive où ils font un joyeux vacarme dès le lever du jour (c'est une zone naturelle d'intérêt environnemental pour la faune et la flore).

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Dans mon jardin j'ai déjà dénombré trois couples de mésanges, deux rouges-gorges, des verdiers, des merles et d'autres passereaux que je ne connais pas encore, une pie, un geai, deux palombes, des tourterelles... qui sont encore trop peureux pour que je parvienne à les photographier.

Que dire de plus ? On est bien, c'est si bien le coin que nous cherchions. Nala a déjà pris conscience de son rôle et aime se tenir sur le seuil...


Nous l'avons apprécié  en hiver, nous allons l'aimer encore plus à la belle saison, mais que de travail pour nettoyer les massifs ! Quant à l'herbe du pré, nous avons retenu des oies brouteuses, ne riez pas... Nous attendons le retour des hirondelles, il y a trois nids dans la remise, nous l'appréhendons car elles ne nous connaissent pas : vont-elles nous accepter ?
Il fait très beau et le jardin m'appelle, à bientôt !

6 commentaires:

  1. Et pardi,... comment ne pas reconnaître l'Amoureuse, la Passionnée :)

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  2. Je viens de découvrir ton blog grâce au commentaire laissé sur le mien ( billet sur Nohant ) et je me suis régalée à la lecture de cette quête d'une maison qui serait une bon compromis entre diverses attentes. Un zeste d'humour, une écriture fluide, de jolies photos, tout ceci m'incite à suivre la suite de vos aventures dans ce havre de paix et de verdure niché au coeur du Périgord ( j'ai grâce à toi appris plein de choses sur cette belle région que je connais très peu ). Bon jardinage au soleil ! Bises Marie *

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    1. Merci Marie, ton commentaire me réjouit et m'encourage à continuer à publier ; mon jardin à aménager, notre petite maison et notre vaste grange nous inspirent une foule de projets, à suivre donc... Comme toi j'aime bien faire partager mes enchantements et mes passions mais mon blog n'a que quelques mois. Je suis ravie de te faire connaître le Périgord, peut-être aussi de te donner envie d'y venir un jour, tu saurais si bien l'évoquer ! Je suivrai le fil de tes découvertes avec beaucoup de plaisir, amitiés, Minne

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  3. Actuellement en quête d'un nouveau sweet home je me suis régalée de votre article ! Quelle jolie façon d'aborder cette démarche qui parfois me semble utopique... Il faut être persévérant...
    A bientôt pour découvrir vos petites bidouilles !

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  4. Merci Aliza, il est vrai que nous avons beaucoup cherché, nos amis finissaient par croire que nous n'avions pas vraiment envie de déménager. Je vous souhaite de trouver, il ne faut jamais renoncer à un projet... Bon courage, à bientôt peut-être.

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