Chromothérapie florale

 

Monet, le prince de la couleur, n'aurait pas désavoué ma déjà belle collection d'iris qui se complète d'année en année ; ils dominent les massifs de leur tête tarabiscotée, ils jalonnent le sentier de randonnée ; j'aimerais bien faire des émules mais c'est mal parti, mon voisin a choisi l'option gravier... Je rêve parfois d'un "Tocane village des iris", comme Chédigny en Indre-et-Loire ou Camon en Ariège  (et d'autres sans doute) sont ceux de la rose... (et pour moi l'iris est indissociable de la Toscane, de Tocane à Toscane il n'y a qu'une lettre ... ce serait un joli clin d'œil).

  

Quelques lignes de Colette (Pour un herbier) pour rendre hommage à ces fleurs que j'ai trouvées ici dès le premier printemps, qui pullulent dans la rivière et à celles que j'ai plantées il y a deux ans qui me gratifient enfin d'une magistrale floraison.
 
"L'iris ? Peuh... Son bleu ne se hausse guère qu'à un très joli mauve, et je ne parle pas de celui qu'on nomme "flamme" , dont le violet liturgique et le profane parfum envahissent au printemps les montagnettes, autour de La Garde-Freinet." (et de Monterriggioni en Toscane, inoubliable vision d'une coulée d'iris dans une oliveraie abandonnée...)
 

 

Les pivoines herbacées poussent un peu partout, comparses sauvageonnes d'iris jaunes ; elles ont été plantées dans le pré au pied des arbres... Cependant il faut vite les admirer, la moindre brise les déplume avant même que le soleil ne les décolore. Fertilisées par les poules, elles ne requièrent aucun soin, libres comme fleurs des champs.

Encore Colette : "Rouge grenat, rose gai, rose sentimental, trois ou quatre autres carmins, elles ont les couleurs de la belle santé, et me réjouiront pendant une semaine. Et puis elles laisseront tomber, toutes à la fois, leur brasier de pétales avec un soupir de fleur qui imite le brusque trépas de la rose"...

 Le pavot rose, qui était déjà là et se multiplie pour mon ravissement...

"Celui-ci, meurtri de bleu sombre au fond de sa coupelle écarlate, fier au centre de sa verdure natale hérissée de poil à gratter, se fait traiter de Méphisto par les âmes timorées.  (...) Le grand pavot, son pollen bleu, sa soie lentement dépliée."


 Que pourrais-je rajouter ? Rien, tout est dit...

Les roses, à l'heure où j'écris ces lignes, sont encore en boutons pour la plupart, tardives à cause d'un avril frileux... Mais je vous offre ma toute première, la petite Ghislaine de Féligonde, celle que j'ai bouturée tant et tant de fois et toujours avec le même bonheur.. .la première d'une avalanche de fleurs qui se prolonge  inlassablement jusqu'à l'automne.. .et presque sans épines...Un amour de rose ! Mais comme rien n'est parfait, elle n'a pratiquement pas de parfum...

Colette âgée devenue presque impotente n'avait plus hélas la possibilité d'arpenter des jardins de roses mais elle avait gardé la faculté de s'émerveiller devant celles des fleuristes : 

"Nous t'achetions telle que Dieu t'avait faite, un peu mordue ici, un peu roussie là, et c'était à nous de te parer, à moins que nous ne te préférions roussie et mordue, un cétoine d'or caché dans la conque de ton oreille. Tu avais trop de feuilles, des boutons comme des radis, un petit escargot au long de ta tige, et autant d'épines qu'une pucelle farouche." 

Deux de nos vaillantes brouteuses posent devant un rosier qu'elles ont épargné jusqu'à maintenant, un rosier pourtant sans défense puisque dépourvu d'épines : Zéphirine Drouin...

 Et que dire des roses enflammées de Jacqueline, que j'aurais boudées il y a trois ans et qui m'ont réconciliée avec les fleurs écarlates et certaines fantaisies botaniques...Je préfère pourtant depuis toujours les roses anciennes... 

 
... tout comme la plante pour champions d'orthographe, l'escholtzia, qui favorise le sommeil et calme l'anxiété (normal, c'est un pavot)
 
 Le lys

" Celui-ci est blanc, haut sur pattes et pour la floribondité il ne craint personne." (Colette)

Celui-ci est rose ... Le géant de mon jardin est encore vert... mais dans quelques jours il sera blanc... et ne craindra personne...

Les arbustes sont tous de floraison blanche eux aussi car au début les jardins blancs me plaisaient bien mais ici, dans tout ce vert d'un Périgord presque limousin, les couleurs solaires m'ont convaincue : vive une symphonie de couleurs au jardin ! Le blanc des floraisons printanières, le blanc des iris et des narcisses ne sont  là que pour faire chanter les autres couleurs, les plus éclatantes, les plus vives et en contrepoint les très sombres, les tulipes  et les iris noirs, les ancolies en robe d'évêque, et aussi tous les violets...Je n'ai pas hésité à ponctuer mon jardin d'éléments de bois peints en rouge coccinelle, comme à Maulévrier... mais restons modestes.

La boule de neige, la plus généreuse des floraisons , allume ses lampions blancs dès avril, les garde longtemps immaculés s'il ne pleut pas, puis n'offre plus qu'une foule de petites têtes rouillées, pitoyables ... Vite, le sécateur !






Le seringat, un massif à lui tout seul dans son apothéose ; dommage, vous n'aurez pas le parfum, le plus suave, le plus entêtant, omniprésent dans le jardin dès le crépuscule, à l'heure des pipistrelles...


L'amélanchier, le cornouiller, le noisetier tors, le hêtre pourpre, l'arbre à papillons, l'éléagnus panaché... tous des nouveaux venus au jardin, tous en bonne voie d'intégration, pour étoffer ce qui n'était qu'un pré au départ... Je vois déjà une allée  serpentine tortuer entre des massifs un peu échevelés... fi des formes géométriques et des carrés bien alignés, vous ne trouverez pas ces artifices chez nous...

Et puis les grimpantes, dont certaines sont encore bien jeunes mais prometteuses


Le houblon, planté récemment, a compris l'utilité du bambou que je lui ai offert pour son ascension estivale.  Je l'imagine déjà ombrageant une pergola champêtre...

Les glycines, infatigables grimpeuses, ont pâti des gelées nocturnes d'avril et sont si avares en grappes qu'elles ne méritent pas la moindre photo..Mais je ne peux résister à la plume de Colette se souvenant  de la glycine du jardin de Saint-Sauveur :

"Sa folle floraison de mai, sa résurgence maigre d'août-septembre embaument les souvenirs de ma petite enfance. Elle se chargeait d'abeilles autant que de fleurs, et murmurait comme une cymbale dont le son se propage sans s'éteindre..."

Les clématites aux floraisons successives de février (pour l'intrépide Armandi) à l'automne pour certaines... mais je n'ai pas assez de murs ni d'arceaux pour les avoir toutes !

Certaines clématites ont bien de la chance, elles savent vieillir en beauté...et se transforment en bijoux...

Les bacopas, plantes peu connues et pourtant bonnes filles car elles se plaisent partout...et durent longtemps.

Les lithodoras, plus bleu il n'y a pas, et puis toutes les autres, celles qui ne fleuriront qu'en été, celles que je découvre chaque jour et que j'apprends à connaître.

Nous avons une flore naturelle variée dans le pré qui prolonge le jardin jusqu'à la rivière, ne cherchez pas un gazon de golf chez nous : les saponaires, les petites orchidées, les boutons d'or et les pâquerettes ont la vie belle, même les oies les respectent (sont-elles esthètes ou seulement prudentes, nos six blanches comme neige ?)

J'allais oublier le plantain, allié ignoré de notre bien-être que beaucoup considèrent comme une mauvaise herbe. L''herbe la plus mauvaise est celle de l'ignorance...mais attention, certaines sont vraiment toxiques !

C'est comme l'ortie, allez leur raconter qu'elle ne pique pas si l'on sait la cueillir, allez leur dire qu'elle apporte une foule de bienfaits à qui sait la cuisiner... On m'a offert récemment un délicieux pesto ortie-plantain-pissenlit, bien sûr avec beaucoup d'ail... Ne riez pas, ne faites pas la grimace, c'est délicieux !

Et qui a dit qu'elles n'étaient pas décoratives, nos sauvageonnes du pré, voyez ce bouquet improvisé d'herbes folles...

Les herbes du jardin, ma pharmacopée, suspecte aux yeux de certains qui la jugeront dépassée ('n'est-ce pas, Hildegarde ?)... et se gaveront en toute confiance de médecines brevetées... mais je m'égare, ceci est un autre problème...

A bientôt !

2 commentaires:

  1. Bonsoir, c'est avec plaisir que j'ai visiter votre jardin plein de couleurs, le mien est plutôt rose, bleu, blanc mais certaines surprises poussent parfois, des fleurs avec une mauvaise étiquette et voila du rouge et du jaune inattendus et pourtant jolis qui réveillent mes massifs. Pour ma part c'est une soupe à l'ortie que j'ai dégustée, préparée par une amie, un régal. Bonne soirée.

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    1. Bonjour Marie, je découvre tardivement votre commentaire en publiant le nouveau billet, j'étais loin lorsque vous l'avez rédigé et au retour je n'ai pas pris soin de regarder.... Il est vrai qu'au jardin on ne maîtrise pas toujours les couleurs, même si on veut limiter ce n'est pas toujours possible et je dois dire que j'ai du mal à arracher une plante qui veut pousser. En ce moment je regarde avec nostalgie sur mon blog mes fleurs du printemps, la trop forte chaleur et un violent orage les ont malmenées, il y a nettement moins de couleur... Bon week-end prolongé !

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