Quoi de neuf ? La Fontaine

Pas trop démodé, notre vieux Jean, je dirais même qu'il est plus que jamais dans l'air du temps :  ne crie-t-on pas trop souvent, surtout en ce moment, "haro sur le baudet", certains élus ne font-ils pas "la mouche du coche", ne surconsomme-t-on pas à s'en faire péter la panse et le budget comme la  grenouille prétentieuse qui en veut toujours plus ?

 

Le Coche et la Mouche

"Ainsi certaines gens, faisant les empressés,

S'introduisent dans les affaires :

Ils font partout les nécessaires,

Et, partout importuns, devraient être chassés."

 

 

 La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Boeuf

"Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages..."

 

 

 

Et que dire du héron qui promène sa morgue le long du ruisseau, si fier de sa personne, si creux et si exigeant... comme on en connaît tant !

 

"Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où

Le héron au long bec emmanché d'un long cou"... (Le Héron)

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Le lièvre vaniteux, sportif de haut niveau trop sûr de lui (sûrement surpayé mais je ne vise personne), qui méprise les compétences de son adversaire... (Le Lièvre et la Tortue)

Le rouquin philosophe qui préfère dédaigner ce qu'il ne peut atteindre (Le Renard et les Raisins)

... ou cet autre qui manie l'art de flagorner comme personne... ou plutôt comme beaucoup de courtisans sous des lambris dorés... ou ailleurs.

 

 

 "Apprenez que tout flatteur

Vit aux dépens de celui qui l'écoute". 

 (Le Corbeau et le Renard)

 

 

 

 

 

  La laitière calculatrice qui spécule et rêve d'investissements et de profits, cela ne vous dit rien ? 

(La Laitière et le pot au lait)

 

 L'intranquillité de la vie urbaine, le calme de la vie aux champs, n'est-ce pas un thème d'actualité à l'époque où beaucoup de citadins choisissent de vivre à la campagne ?

 (Le Rat des villes et le Rat des champs)

Et le droit du sol donc, qu'illustre notre lapin face à la belette qui s'est fourrée dans son terrier ?

Tapi derrière les belligérants, le chat-juge patiente, assoupi sur le code civil, riant sous cape de leur querelle : c'est lui qui aura le dernier mot, ou plutôt le dernier coup de dents...

"Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois

Les petits souverains se rapportant aux rois."  (Le Chat, la Belette et le petit Lapin).

Le délit de sale gueule, le jugement au faciès, la méprise fondée sur les apparences et dont a failli être victime le naïf souriceau, ça ne vous parle pas ?

"Garde-toi, tant que tu vivras,

De juger des gens sur la mine." (Le Cochet, le Chat et le Souriceau)

 

 Le lion libéré par un rat patient et bienveillant mais peu soucieux des conséquences de son intervention est-il un monarque éclairé ou un tyran sanguinaire ? Celui de La Fontaine a déjà montré sa magnanimité, quant aux autres, nul ne sait...

"On a souvent besoin d'un plus petit que soi." .(Le Lion et le Rat)

Et la manifestation bruyante et revendicatrice des rats qui discutent haut et fort mais obtempèrent  lâchement dès qu'il y a une décision capitale à prendre ... le parallèle avec certaines assemblées démocratiquement élues, grassement entretenues mais dont on ne comprend pas toujours l'utilité serait facile à faire... ( La Ligue des Rats)

 

Les grenouilles anxieuses qui ont bien compris que le réchauffement climatique pourrait leur être fatal ... ou La Fontaine visionnaire....(Le Soleil et les Grenouilles, livre VI, il y a deux fables qui portent ce titre)

 

La grenouille, encore elle, qui sait que l'affrontement entre deux puissances (ici bovines) risque de créer de graves dommages collatéraux... tiens donc, actualité brûlante encore.

"Hélas ! on voit que de tout temps,

Les petits ont pâti des sottises des grands" (Les deux Taureaux et la Grenouille)

Mais je garde le meilleur pour la fin : le loup maigre qui opte pour la liberté au détriment du confort de la niche, n'est-il pas celui qui n'a aucune envie de se plier aux dictatures de tout poil, quitte à en payer le prix ?

 

 Le chien a choisi le collier qui l'asservit et le blesse, mais s'il s'est échappé c'est peut-être parce qu'il n'est pas aussi heureux qu'il le dit... Il a rompu sa laisse, il se croit libre, mais au prochain rappel il reviendra vers sa gamelle, invitant le loup à le suivre...

"Il ne tiendra qu'à vous, beau Sire,

D'être aussi gras que moi"...

 

Notre chien, c'est aussi pour moi le symbole de tout ce qui est muselé, de tous ceux qui reçoivent des récompenses lorsqu'ils plient l'échine, qui se soumettent aux pouvoirs de tous ordres, en particulier celui de la finance pourvoyeuse de biens et de services, le chien gras, ce sont les médias asservis qui clament  d'une seule voix tout ce que le bon citoyen doit entendre... (Le Loup et le Chien)

 

 

 Quant à ceux qui ne veulent rien savoir, ce sont parfois, je le concède, des loups inquiétants qui hurlent en meute,  mais souvent ce sont de braves gens devenus des proscrits, des parias, des "pelés, des galeux, et d'où vient tout le mal". (Les Animaux malades de la peste)

 

Vous avez compris, on  en revient à notre bouc émissaire,  pardon à notre baudet si injustement sacrifié... et la boucle est bouclée.. Et si vous ne saisissez pas l'allusion, lisez donc la fable " Les Animaux malades de la Peste", lisez ou relisez au moins celle-ci, celle qui m'a donné envie de façonner ces animaux (en laine feutrée et papier mâché) et de rédiger ce billet.

" Je me sers d'animaux pour instruire les hommes".

Intemporel, le vieux Jean  :  plus que jamais ses recueils de fables renferment en filigrane tout un programme électoral...